Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive

The Reading Project in the FFL Class: An Interdiscursive Approach

El proyecto de lectura en la clase de FLE: un enfoque interdiscursivo

Publicado
2023-07-01

Este artículo de reflexión analiza la importancia y la pertinencia de implementar un proyecto de lectura en la clase de FLE para adultos, en el marco de los estudios universitarios. A partir de mi experiencia como docente de FLE, propongo un análisis interdiscursivo de la lectura, incluyendo el enfoque orientado a la acción, el enfoque por tareas, el enfoque literario y semiológico, así como la pedagogía por proyectos. Considero este enfoque específico, dado que muestra las múltiples ventajas del proyecto de lectura en la clase de FLE: por una parte, el desarrollo de las capacidades argumentativas, críticas y creativas de los estudiantes; y, por otra parte, el descubrimiento de la pluralidad y polifonía textual, así como el reconocimiento de la alteridad. Finalmente, esto nos llevará a afirmar que la lectura es una estrategia didáctica, que favorece a la vez las competencias comunicativa, intercultural, plurilingüe y pluricultural.

Palabras clave: enfoque orientado a la acción, enfoque por tareas, enfoque literario y semiológico, pedagogía por proyectos, proyecto de lectura (es)
perspective actionnelle, approche par les tâches, approche littéraire et sémiologique, projet de lecture, pédagogie de projet (fr)
action-oriented approach, task-based learning approach, literary and semiological approach, project-based pedagogy, reading project (en)

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APA

Villada-Castro, C. (2023). Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive. Folios, (58), 155–170. https://doi.org/10.17227/folios.58-15928

ACM

[1]
Villada-Castro, C. 2023. Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive. Folios. 58 (jul. 2023), 155–170. DOI:https://doi.org/10.17227/folios.58-15928.

ACS

(1)
Villada-Castro, C. Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive. Folios 2023, 155-170.

ABNT

VILLADA-CASTRO, C. Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive. Folios, [S. l.], n. 58, p. 155–170, 2023. DOI: 10.17227/folios.58-15928. Disponível em: https://revistas.pedagogica.edu.co/index.php/RF/article/view/15928. Acesso em: 27 abr. 2024.

Chicago

Villada-Castro, Carolina. 2023. «Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive». Folios, n.º 58 (julio):155-70. https://doi.org/10.17227/folios.58-15928.

Harvard

Villada-Castro, C. (2023) «Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive», Folios, (58), pp. 155–170. doi: 10.17227/folios.58-15928.

IEEE

[1]
C. Villada-Castro, «Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive», Folios, n.º 58, pp. 155–170, jul. 2023.

MLA

Villada-Castro, C. «Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive». Folios, n.º 58, julio de 2023, pp. 155-70, doi:10.17227/folios.58-15928.

Turabian

Villada-Castro, Carolina. «Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive». Folios, no. 58 (julio 1, 2023): 155–170. Accedido abril 27, 2024. https://revistas.pedagogica.edu.co/index.php/RF/article/view/15928.

Vancouver

1.
Villada-Castro C. Le projet de lecture dans la classe de fle: une approche interdiscursive. Folios [Internet]. 1 de julio de 2023 [citado 27 de abril de 2024];(58):155-70. Disponible en: https://revistas.pedagogica.edu.co/index.php/RF/article/view/15928

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Recibido: 30 de diciembre de 2021; Aceptado: 13 de febrero de 2023

Résumé

Cet article de réflexion analyse l'importance et la pertinence de mettre en œuvre un projet de lecture dans la classe de FLE pour adultes, dans le cadre des études universitaires. Étant donné mon expérience comme enseignante de FLE, je propose une analyse interdiscursive de la lecture, incluant la perspective actionnelle, l'approche par les tâches, l'approche littéraire et sémiologique et la pédagogie du projet. Je considère cette démarche très ponctuelle car elle met en évidence plusieurs atouts du projet de lecture dans la classe de FLE: d'une part, le développement des capacités argumentatives, critiques et créatives des apprenants; et, d'autre part, la découverte de la pluralité et de la polyphonie textuelle ainsi que de la reconnaissance de l'altérité. Finalement, cela nous amène à affirmer que la lecture est une stratégie didactique, favorisant les compétences communicative, interculturelle, plurilingue et pluriculturelle.

Mots-clés:

perspective actionnelle, approche par les tâches, approche littéraire et sémiologique, pédagogie de projet, projet de lecture.

Abstract

This reflection article analyzes the importance and relevance of implementing a reading project in the FFL class for adults, within the framework of university studies. Based on my experience as FFL teacher, I propose an interdiscursive analysis of reading, including the action-oriented approach, the task-based learning approach, the literary and semiological approach, as well as project-based pedagogy. I consider this approach specific, since it shows the multiple advantages of the reading project in the FFL class: on one side, the development of students' argumentative, critical and creative abilities; and, on the other hand, the discovery of textual plurality and polyphony, as well as the recognition of otherness. Finally, this study will lead us to affirm that reading is a didactic strategy, which promotes, at the same time, communicative, intercultural, multilingual, and multicultural skills.

Keywords:

action-oriented approach, task-based learning approach, literary and semiological approach, project-based pedagogy, reading project.

Resumen

Este artículo de reflexión analiza la importancia y la pertinencia de implementar un proyecto de lectura en la clase de FLE para adultos, en el marco de los estudios universitarios. A partir de mi experiencia como docente de FLE, propongo un análisis interdiscursivo de la lectura, incluyendo el enfoque orientado a la acción, el enfoque por tareas, el enfoque literario y semiológico, así como la pedagogía por proyectos. Considero este enfoque específico, dado que muestra las múltiples ventajas del proyecto de lectura en la clase de FLE: por una parte, el desarrollo de las capacidades argumentativas, críticas y creativas de los estudiantes; y, por otra parte, el descubrimiento de la pluralidad y polifonía textual, así como el reconocimiento de la alteridad. Finalmente, esto nos llevará a afirmar que la lectura es una estrategia didáctica, que favorece a la vez las competencias comunicativa, intercultural, plurilingüe y pluricultural.

Palabras clave:

enfoque orientado a la acción, enfoque por tareas, enfoque literario y se-miológico, pedagogía por proyectos, proyecto de lectura.

Introduction

Cet article propose une réflexion basée sur mon expérience en tant qu'enseignante de FLE à des étudiants du supérieur et sur mon journal de bord. Cette expérience considère le projet de lecture comme une stratégie didactique et comme une invitation éthique qui permettra aux étudiants d'acquérir les compétences communicative, interculturelle, plurilingue et pluriculturelle, grâce à la découverte de la pluralité et de la polyphonie textuelle, d'autres points de vue dans les textes argumentatifs et d'autres imaginaires culturels dans les textes littéraires.

Pour y parvenir, je vais présenter, en premier lieu, le cadre théorique de cet article: il s'agit d'une perspective interdiscursive de la lecture, incluant la perspective actionnelle, l'approche par les tâches, l'approche littéraire et sémiologique, visant à montrer sa pertinence et ses atouts pour l'apprentissage, et la pédagogie du projet, afin de mettre en évidence le projet de lecture en tant que projet pédagogique où l'apprenant joue un rôle très actif du début jusqu'à la fin. En deuxième lieu, je décris les étapes du projet de lecture : sa conception, son déroulement et son évaluation, autrement dit, avant, pendant et après la mise en œuvre de la tâche finale. En troisième lieu, je réfléchis aux résultats de cette mise en place, à savoir l'identification de la pluralité du texte, la découverte de la polyphonie textuelle et la reconnaissance de l'altérité, qui aide aussi à développer les compétences interculturelle, plurilingue et pluriculturelle des apprenants dans le contexte actuel d'enseignement. Finalement, je fais la synthèse des atteintes, les écueils, les défis et les perspectives engendrées par ce type de projet pédagogique.

1. Une approche interdiscursive de la lecture

Une analyse de la lecture comme stratégie didactique dans la classe de FLE pour un public adulte au sein d'une université doit faire appel aux multiples discours ayant un rapport proche avec la didactique. C'est pourquoi j' y réfléchis en mettant en valeur à la fois les discours littéraire et sémiologique. Ainsi, mon analyse se déroulera grâce à ces discours multiples, ce qui me permet d'affirmer que le discours de la lecture est, en conséquence, un discours interdiscursif. Selon Charaudeau et Maingueneau, tout discours est interdiscursif, puisque:

Il a pour propriété constitutive d'être en relation multiforme avec d'autres discours, d'entrer dans l'interdiscours [...] un espace discursif, un ensemble de discours (d'un même champ discursif ou de champs distincts) qui entretiennent des relations de délimitation réciproque les uns avec les autres. (Charaudeau et Maingueneau, 2002, p. 324)

En conséquence, je développe une approche interdiscursive de la lecture: d'abord, j'expose la perspective actionnelle et l'approche par les tâches, par la suite, je présente l'approche littéraire et sémiologique. Finalement, j'explique pourquoi le projet de lecture peut être consideré comme un projet pédagogique.

1.1 La perspective actionnelle et l'approche par les tâches

Comme Puren (2004) l'a bien démontré, la perspective actionnelle transforme et enrichit l'approche par les tâches, vu que cette perspective resignifie la notion de tâche, qui n'est plus considerée comme une activité d'apprentissage. Ceci met en relation l'approche par les tâches et l'approche communicative déjà connue, mais la tâche est dorénavant conçue en tant qu'une action sociale, alors maintenant l'objectif est: «considérer les apprenants comme des acteurs sociaux» (Conseil de l'Europe, 2018, p. 27). Ainsi, ce tournant met en avant l'apprentissage de la langue comme un moyen pour devenir citoyen du monde, et l' apprentissage se conçoit comme un processus co-actionnel et interactif. À ce propos, le Conseil de l'Europe soutient que: «Le schéma descriptif et l'approche actionnelle du CECR met la co-construction du sens (grâce à l'interaction) au centre du processus d'apprentissage et d'enseignement.» (Conseil de l'Europe, 2018, p. 28). C'est pourquoi la notion de tâche est mise en relief: selon Puren, la tâche est une «unité d'activité à l'intérieur du processus conjoint d'enseignement/ apprentissage» (2004, p. 15), c'est-à-dire, la tâche doit donc assurer la cohérence entre le processus d'enseignement et d'apprentissage, où chaque activité graduelle et progressive doit être contextualisée, guidée et orientée vers un produit final. D'après Rosen, la tâche décrit une action en fonction d'un objectif communicatif et d'un «résultat tangible» (Rosen, 2009, p. 489), où l'apprenant développe ses compétences communicatives tout en participant à un apprentissage individuel et collaboratif afin d'achever non seulement les objectifs des tâches communicatives mais encore «les tâches proches de la vie réelle» (Rosen, 2009, p. 489).

En conséquence, il s'agit de planifier des activités conçues selon une visée socio-culturelle qui permettront d'évaluer les compétences des apprenants conformément aux tâches qu'ils puissent effectuer en envisageant un objectif communicatif et en parvenant à un produit concret. À cet égard, l'unité didactique s'avère juste comme l'assemblage de tâches ou d'actions coordonnées autour d'un objectif d'apprentissage et d'une compétence à développer par les apprenants dans un contexte social spécifique, de sorte qu'ils puissent réussir dans la production d'une tâche finale.

En outre, étant donné que l'apprenant est vu comme un acteur social et un citoyen du monde, alors le but est d' «accomplir différentes tâches en vue de s'intégrer à terme dans une communauté autre pour y devenir, autant que faire se peut, un acteur social à part entière.» (Rosen, 2009, p. 488). L'apprenant est mis en valeur comme un citoyen capable de participer à la vie socio-culturelle dans d'autres pays et de développer, ainsi, ses compétences plurilingue et pluriculturelle. C'est ainsi que ce tournant didactique met l'accent sur les concepts de co-action et co-culturalité. À propos de ce virage aussi historique, la réflexion de Puren est très précise:

La didactique européenne qui va émerger dans ces années 2000 devra sortir de l'approche communicative [...], en passant en particulier du concept d'interaction (qui est un parler avec et un agir sur l'autre) au concept de co-action (qui est un agir avec les autres), et du concept d'interculturalité (désignant principalement les phénomènes de contact entre cultures différentes chez des individus) à celui de co-culturalité (désignant les phénomènes d'élaboration d'une culture commune par et pour l'action collective). (Puren, 2004, p. 20)

Dans ce contexte, le projet de lecture dans la classe de FLE permet de rendre les étudiants plus autonomes au cours de leurs expériences de lecture, de participer à cette dynamique co-actionnelle pendant la mise en commun de la tâche finale, où ils devront exprimer leurs interpretations, formuler et reformuler leurs points de vue et, finalement, contribuer à la «co-culturalité» par l'enrichissement de leurs horizons de pensée et de leurs modes de vie socio-culturels grâce à la lecture.

1.2 L'approche littéraire et sémiologique de la lecture

«On aime toujours un peu à sortir de soi, à voyager, quand on lit.»

PROUST, Sur la lecture (1906, p. 70)

Quant à moi, la lecture est une action provocatrice de la pensée, une voie vers la découverte d'autres mondes et, même, une puissance transformatrice de nous-mêmes, ce qu'on peut mettre en évidence grâce à l'approche littéraire et sémiologique de la lecture. Selon l'approche littéraire de Proust, bien que la lecture soit une activité solitaire, elle nous offre une communication vivifiante d'une autre pensée qui peut stimuler la nôtre:

La lecture ne saurait être ainsi assimilée à une conversation, fût-ce avec le plus sage des hommes; que ce qui diffère essentiellement entre un livre et un ami, ce n'est pas leur plus ou moins grande sagesse, mais la manière dont on communique avec eux, la lecture, au rebours de la conversation, consistant pour chacun de nous à recevoir communication d'une autre pensée, mais tout en restant seul, c'est-à-dire en continuant à jouir de la puissance intellectuelle qu'on a dans la solitude et que la conversation dissipe immédiatement, en continuant à pouvoir être inspiré, à rester en plein travail fécond de l'esprit sur lui-même. (Proust, 1906, p. 35)

Par ailleurs, Barthes met en relation l'acte de lire avec l'action de tisser. D'abord, lire c'est tisser la pluralité du texte: «[la lecture] consiste à embrayer ces systèmes, non selon leur quantité finie, mais selon leur pluralité (qui est un être, non un décompte): je passe, je traverse, j'articule, je déclenche» (Barthes, 2002, p. 11). Lire nous mène d'un texte à un autre, d'une image à une autre, d'un récit à nos expériences, mais aussi, d'une vision inconnue de mondes à une remise en question de la nôtre; voici la pluralité du texte selon la perspective sémiologique. D'où l'invitation de Barthes: «il faut que la lecture soit elle aussi plurielle» (Barthes, 2002, p. 14).

Ayant mis en rélation un texte avec un autre, le lecteur multiplie leurs sens possibles sur l'horizon toujours ouvert de la relecture et de la réinterprétation, de sorte qu'il devienne le tisseur même du pluriel du texte tout en découvrant son intertextualité. C 'est pour cela que la lecture peut certainement améner les apprenants d'une langue étrangère à développer ou perfectionner leur compétence lectoriale et, parallèlement, d'autres compétences telles que les compétences communicative, interculturelle, plurilingue et pluriculturelle comme je vais le montrer ultérieurement. La lecture peut également susciter des émotions très positives chez les apprenants, celles qui se traduisent par le sentiment d'engagement qu'ils puissent éprouver au cours du déroulement du projet ou encore en dehors de la salle de classe, lorsqu'ils créent par eux-mêmes des clubs de lecture ou qu'ils continuent à lire individuellement.

D'ailleurs, la lecture nous donne en même temps du plaisir et des ruptures, même que selon Barthes «le plaisir de la lecture vient évidemment de certaines ruptures» (Barthes, 1973, p. 14), étant donné que certains clivages stimulés par la lecture peuvent aider à nous interroger sur nos certitudes, nos jugements ou nos valeurs tout en agrandissant nos perspectives de pensée, de sensibilité et d'expérience, certes, un cadeau précieux pour les apprenants. D'où l'importance aussi éthique de la lecture. À cet égard, William Marx ajoute sa conception de la lecture des œuvres littéraires comme une découverte de l'altérité, c'est-à-dire qu'il s'agit d' «aller vers l'inconnu et l'étranger» (Marx, 2020, paragraphe 12). Lire signifie voyager dans l'espace et dans le temps, explorer des cultures inconnues et, en même temps, être surpris par ce que nous n'avions pas imaginé, vécu ou conçu, de façon que nous soyons capables de prendre conscience de nos différences historiques et culturelles. C'est justement cet étonnement qui nous aidera à élargir nos horizons de pensée, nos imaginaires culturels, qui plus est, à interroger nos préjugés en stimulant le déploiement de notre réflexion critique.

1.3 Du projet pédagogique au projet de lecture

Sans retard, il est nécessaire d'exposer la pédagogie du projet et de rendre compte du projet de lecture en tant que projet pédagogique. La pédagogie du projet appartient aux courants pragmatiste, constructiviste et socioconstructiviste de l'apprentissage, puisqu'elle propose une pratique de pédagogie active, où les étudiants participent à la construction de leurs apprentissages et ils agissent de manière collaborative pendant le déroulement des tâches liées au projet. Ceci afin de répondre aux objectifs, de gérer leurs actions et de résoudre les difficultés qui puissent en découler tout en visant une production concrète de sorte que le projet opère comme un fil conducteur des apprentissages. Dans ce sens affirme Lafortune: «les projets donnent du sens aux apprentissages, supposent un engagement cognitif et mettent les élèves en situation de se poser des questions sur les ressources internes à développer et les ressources externes à rechercher» (Lafortune, 2010, p. 18).

Le projet pédagogique est composé, donc, par un ensemble de tâches enchaînées, progressives et encadrées dans une unité pédagogique, qui doit répondre également aux compétences que les apprenants doivent acquérir et à leurs besoins particuliers. C'est pourquoi la participation active des apprenants est assurée du début jusqu'à la fin du projet. À ce sujet Boutinet dit:

Le projet pédagogique, centré sur des buts négociés à atteindre et sur des modalités pour les atteindre, appelle son complémentaire, la pédagogie de projet, qui met dans le moment présent les acteurs en situation de choisir, de décider, d'agir; le projet devient donc le lieu même de l'apprentissage. (Boutinet, 1996, p. 49)

D'autre part, depuis la conception du projet jusqu'à son évaluation, l'enseignant accompagne les apprenants à la découverte des nouvelles connaissances, agit comme médiateur entre leurs connaissances acquises et leurs nouvelles connaissances et amène les étudiants à résoudre leurs difficultés et à construire des solutions possibles tout en faisant valoir leur autonomie. C'est pour cela que le projet de lecture peut aussi être considéré comme un projet pédagogique, étant donné sa conception comme un ensemble des tâches liées, en fonction des objectifs spécifiques et en vue d'une production des apprenants, qui les rend capables de construire et de créer par eux-mêmes des nouveaux sens possibles, grâce à la lecture des textes authentiques.

Selon Cuq et Gruca (2005, p. 170), les étapes du projet de lecture sont: 1. «La prélecture», 2. «L'observation du texte», 3. «La lecture silencieuse en fonction d'un projet» et 4. Les tâches pour faire réagir le lecteur. Ce qui se transpose proprement aux étapes du projet pédagogique, vu qu'il s'agit d'une étape de découverte du texte et de son auteur, une étape pour le déroulement du projet en tant que tel, une étape de production et d'évaluation.

Par ailleurs, pendant la conception du projet et la sélection des textes à lire, il est recommandable de définir la typologie textuelle, car il est indispensable d'illustrer les fonctions discursives et les parties des textes et d'explorer quelques exemples. Qui plus est, la typologie textuelle «offre de multiples possibilités de "pédagogisation" et permet de développer une réelle compétence textuelle tant en réception qu'en production» (Cuq et Gruca, 2005, p. 171). Voici le Tableau 1 pour caractériser les types de textes et pour que l'enseignant puisse s'y retrouver pendant leur exploration avec ses étudiants:

Tableau 1: Types des textes choisis pour le projet de lecture

Source: Élaboration propre en considérant la définition de la typologie textuelle de Cuq et Gruca (2005).

Ainsi qu'il est essentiel aussi de relever les types de lecture dont nous parlent Cuq et Gruca (2005), à l'effet d'enrichir la conception et la planification du projet juste avant de sa mise en œuvre, à savoir:

  • -La lecture écrémage qui consiste à parcourir rapidement un texte et de manière non linéaire: ce survol du texte donne une idée globale de son contenu et c'est cette technique que nous pratiquons tous lorsque nous feuilletons un journal pour repérer quels sont les articles qui nous intéressent et que nous lirons par la suite;

  • -La lecture balayage qui permet de capter l'essentiel ou une information précise distribuée dans le texte par l'élimination rapide du reste; il s'agit d'une lecture sélective que l'on pratique au quotidien: parcourir un dépliant pour relever le lieu d'une activité, son horaire, par exemple;

  • -La lecture critique qui demande une lecture intégrale d'un document et qui s'attache au détail et à la précision: elle peut entraîner le commentaire;

  • -la lecture intensive ou studieuse qui vise à retenir le maximum d'informations et qui, par l'attention qu'elle réclame, peut se transformer en une quasi mémorisation du texte. (Cuq et Gruca, 2005, p. 169)

Cette typologie décrit bien le processus de lecture même, où les apprenants pourront y progresser en proportion de leur engagement, voici le Graphique 1 pour l'illustrer:

Types de lecture

Graphique 1: Types de lecture

Source: Élaboration propre en considérant la définition des types de lecture de Cuq et Gruca (2005)

Quel que soit l'objectif du projet, il vaut mieux éviter des lectures négligées ou sans contexte. En revanche, il faut toujours motiver les apprenants à lire intégralement en raison de leur niveau et de leurs compétences. Bien qu'il ne soit pas possible de définir quel sera le niveau de lecture que chaque groupe atteindra, il est toutefois important d'amèner les étudiants vers la lecture critique, vu qu'il s'agit des étudiants du supérieur. Ceci même s'il est possible qu'il y ait des étudiants très engagés, qui veuillent aller plus loin vers une lecture intense et studieuse, ou encore qui veuillent former des clubs de lecture autour d'un genre littéraire ou d'un auteur. Par la suite, je vais précisément décrire le projet de lecture mis en œuvre dans ma classe de FLE.

2. Le projet de lecture dans la classe de FLE

Je commencerai ici par la description de la méthodologie par projets pédagogiques adoptée pour mettre en place le projet de lecture: ses étapes, son déroulement, la réception par les étudiants et les réflexions sur les bénéfices et les défis du projet de lecture dans la classe de FLE. En raison de mon expérience en tant qu' enseignante, j'ai auparavant mis en œuvre le projet de lecture en parvenant à une réponse très positive de la part des étudiants1. Bien qu'à ce moment-là, l'objectif ait été d'améliorer la compréhension et la production orale et écrite des étudiants du supérieur, je rendrai ici compte de cette expérience antérieure sur une autre perspective, celle d'illustrer le project de lecture ici en question, par moyen des auteurs sur le sujet ainsi que de mon journal de bord.

Le projet de lecture, entendu ici comme une stratégie d'enseignement, favorise le développement des compétences communicatives nécessaires chez les apprenants, étant donné qu'elles y sont abordées de concert et à trois conditions: que le projet soit lié aux dossiers thématiques visés dans le programme du cours, qu'il soit lié aux besoins des apprenants et qu'il soit integré à une séquence pédagogique bien planifiée, tel que je vais l'expliquer.

2.1 Première étape: la conception du projet

Tout d'abord, il faudra faire un choix des textes dans le cadre du programme du cours, du dossier thématique et des intérêts des étudiants que l'enseignant pourra reconnaître dès la première séance -lorsqu'on fera connaissance avec eux-, au fur et à mesure du déroulement du cours ou en faisant une petite enquête d'intérêts. Par la suite, il sera nécessaire de se doter d'une bonne sitographie ou d'une sitothèque, y compris des bibliothèques numériques en ligne (par exemple: Gallica de la Bibliothèque Nationale de France BnF, Bibliothèque numérique TV5 Monde ou Bibliothèque des Amériques du Centre de la francophonie des Amériques), des livres numériques (tels que les Anthologies des littératures francophones de la FIPF et de l'oif France), ou encore, des livres audio (notamment les fictions radiophoniques de France Culture ou les livres-audio de Radio-Canada). Puis, il sera essentiel d'inventorier sur une liste des textes exposant des genres discursifs différents en raison de la diversité même des apprenants, les étudiants pourront ainsi y trouver des options en accord avec leurs goûts et avec leurs niveaux de lecture en langue étrangère.

Pour la liste de textes à lire, il est convenable de choisir de petits extraits ou des textes complets de presse selon le cours. Par exemple, il est possible de proposer la lecture d'une bande dessinée pour les débutants, la lecture d'un fait divers pour les intermédiaires et la lecture d'une chronique, un éditorial ou d'une tribune pour les plus avancés. Etant donné que la presse est composée de cette grande diversité de types de discours et de genres textuels, elle sera très utile au moment d'enseigner aux apprenants à raconter, à décrire ou à argumenter en même temps qu'ils pourront prendre contact avec des textes authentiques, qui traitent des thèmes d'actualité dans le monde francophone voire dans le monde entier. Également, l'enseignant aura un grand nombre d'outils et de supports multimédia en ligne pour créer la séquence pédagogique concernée (v. gr. RFI Savoirs), exploiter le texte choisi et inciter au prolongement de la lecture en animant les étudiants à explorer par eux-mêmes les ressources multiples qu'ils y trouveront.

Une autre option pour la liste de textes à lire est, sans doute, la littérature. Des genres littéraires tels que la poésie, le théâtre et la narration peuvent enrichir énormément la classe de FLE et, simultanément, faire plaisir aux étudiants. À ce propos, après avoir revisé un grand corpus de manuels de FLE, Riquois (2009) conclut que la poésie est le genre le plus suggeré pour les niveux débutants. En revanche, la littérature d'idée est la plus convenable pour les niveaux avancés. En ce qui concerne la narration et le théâtre, ceux-ci sont les genres les plus utilisés et les plus recommandés pour tous les niveux. Par rapport à la poésie, c'est le texte pluriel par excellence, donc les étudiants pourront y proposer des lectures multiples, découvrir de nouveaux mots ou des images insoupçonnées. Elle permet aussi d'encourager les apprenants à sentir le plaisir du texte (Barthes, 1973) et c'est aussi un grand outil pour faire des activités phonologiques variées en profitant de la musicalité et du rythme des poèmes.

D'autre part, le texte narratif (notamment les contes, les récits, les nouvelles, les romans) est également très pertinent pour concevoir un projet de lecture, puisqu'il raconte des histoires et des expériences inconnues, permet de voyager à travers le temps et l'espace, de découvrir de grands personnages et de suivre des arguments fascinants. C'est le cas des romans policiers (Riquois, 2009), leur composition formelle attire certainement les apprenants soit par la découverte d'un énigme à partir des indices, soit par la réconstruction d'un événement mystérieux ou par la recherche du suspect. Cela dit, Riquois considère que l'acquisition de la compétence lectoriale amène aussi à l'acquisition de la compétence générique: «le lecteur opère un va-et-vient dialectique entre une lecture participative et une distanciation qui lui donne le recul nécessaire à la perception de cette généricité» (Riquois, 2009, pp. 503-504), c'est pourquoi, à ce moment-là il est essentiel de construire de fiches pédagogiques en caractérisant chaque typologie textuelle à produire pour bien guider les apprenants pendant le déroulement du projet, tel que nous le verrons ultérieurement.

Enfin, pendant la conception du projet, il est possible aussi de prévoir la réponse favorable des étudiants, étant donné l'autonomie qu'ils épreuvent du début du projet en choisissant le texte à lire, à travers le déroulement des tâches où ils progressent selon leurs compétences et jusqu'à la fin, quand ils peuvent présenter en groupe leurs productions écrites et orales. C'est ainsi que l'enseignant doit développer l'unité didactique en planifiant les séquences pédagogiques à accorder au fur et à mesure que les besoins et les difficultés des étudiants apparaissent.

2.2 Deuxième étape: le déroulement du projet

Au début de la deuxième étape, il faudra présenter formellement le projet, ses objectifs ainsi que sa tâche finale. Il faut ici simultanément souligner son rapport au dossier thématique en cours, expliquer l'enchaînement et la relevance des sous-tâches pour déboucher sur la tâche finale et pour finir et dans la mesure du possible, mettre en commun des grilles d'évaluation. En ce sens, Cuq et Gruca affirment qu':

Aider l'apprenant à construire le sens, c'est lui assigner un projet de lecture, défini par des objectifs, qui consiste à lui donner un certain nombre de tâches à réaliser et à le mettre dans une situation active. Pour développer l'apprentissage de la compréhension, il est important de mettre en place un parcours tout en segmentant les diverses activités à accomplir selon une progression. (Cuq et Gruca, 2005, p. 170)

Nous avons proposé à ce stade de notre projet comme tâche finale une production écrite (carte mentale, ligne du temps, lettre du lecteur, essai argumentatif ou compte rendu critique) et une production orale (monologue, exposé oral, entretien, table ronde ou débat), en considérant toujours le niveau d'apprentissage des étudiants.

Pour l'avancée du projet, en premier lieu, nous avons mis en place des activités de découverte: L'exploration de la biographie des auteurs par moyen des podcasts ou des vidéos, suivis de sous-tâches de compréhension et de production orale. Puis, nous avons expliqué les caractéristiques de chaque type de texte à lire tout en accompagnant les étudiants dans la lecture, leur fournissant des fiches pédagogiques (des fiches pour rédiger les textes ainsi que des fiches de communication)2, où ils trouveraient des consignes pour parvenir à la tâche finale. Ces outils, ont étés publiés sur la plateforme éducative du cours dans un fichier nommé «Projet de lecture», afin que les étudiants puissent y revenir les consulter de manière asynchrone et, de la même façon, stimuler l'étude en autonomie.

Voici quelques exemples des fiches pédagogiques utilisées pendant le déroulement du projet de lecture:

1. Fiche de production écrite: Pour rédiger un essai argumentatif

Fiche pédagogique: 1. Fiche de production écrite: Pour rédiger un essai argumentatif

Source: Élaboration propre.

2. Fiche de communication: Pour mettre en scène un exposé oral

Fiche pédagogique: 2. Fiche de communication: Pour mettre en scène un exposé oral

Source: Élaboration propre.

Il est ici largement recommandé de mener des tâches de lecture et corrections intergrupales, afin de rendre chaque groupe conscient des possibles erreurs commises par les autres groupes dans leurs brouillons et qu'eux mêmes pourraient avoir. Ceci leur donnerait des outils d'autocorrection efficaces et relevants en tant qu'exercices d'évaluation formative.

À mon avis, le plus important c'est que l'apprenant puisse mettre en valeur ses erreurs comme ses propres seuils pour une meilleure appropriation de ses connaissances déjà acquises et à acquérir.

En somme, le plus efficace de la pédagogie par projet c'est le fait qu'elle transforme le processus d'enseignement-apprentissage dans un laboratoire d'apprentissage collectif et collaboratif entre les apprenants et entre ceux-ci et leur enseignant. C'est la raison pour laquelle le processus même est mis au centre de chaque classe et devient la bussole du rapport entre l'enseignant et ses étudiants. De surcroît, il est possible aussi d'initier ou de renforcer les liens affectifs entre tous les acteurs, en percevant les camarades de classe comme ceux avec qui ils peuvent co-construire et produire des nouveaux sens et leur enseignant comme un acteur, collaborateur et médiateur dans cette recherche et acquisition du savoir.

2.3. Troisième étape: l'évaluation et la réflexion sur le projet de lecture

Une fois la tâche finale est terminée, nous avons entamé la troisième étape du projet. Un parcours d'évaluation consistant à la réflexion tant individuelle que groupale. Sur ces entrefaites, un retour était fait à chaque étudiant en mettant l'accent sur son processus particulier; en allant au-delà de la note finale, je lui proposais des stratégies pour l'étude en autonomie et lui offrais des ressources en ligne. Parallèlement, je faisais la rétroaction en groupe en vue de faire un bilan sur les thèmes ou les compétences à perfectionner. C'est aussi un moment pour amener les étudiants à exprimer leurs propres réflexions sur leurs processus d'apprentissage. Il conviendrait à ce stade, d'utiliser un portfolio, de mettre à leur disposition une enquête simple ou de gérer des questions ouvertes, par exemple. À mon avis, ce moment est aussi très important, étant donné que beaucoup d' étudiants pourraient être encouragés à prolonger volontiers le projet de lecture et à explorer la lecture libre, ce qui change absolument la relation avec la langue étrangère et favorise, sans doute, son acquisition. À ce propos, Pudo dit:

Or, il faut se rendre compte que sans doute, ceux qui aiment lire en langue maternelle, voire en une autre langue étrangère, seront plus susceptibles de se laisser engager dans les activités de lecture libre et de partager leurs réactions avec les autres, quoiqu'il puisse y avoir des cas où quelqu'un apprend à aimer la lecture tardivement, grâce à un cours de langue étrangère : résultat peut-être le plus précieux que puisse souhaiter un enseignant. (Pudo, 2013, p. 158)

En somme, le projet de lecture est une technique ou une stratégie didactique et transversale qui permettra l'acquisition des compétences communicatives tout en améliorant la compréhension et la production écrite et orale des apprenants, quand elle est suivie de tâches encourageant la production de textes ou d'enregistrements réfléchis ou critiques, même quand ils sont motivés à l'écriture créative. Cela peut ainsi contribuer également à en faire des acteurs sociaux et des citoyens critiques, objectifs qui ont tous deux étés mis en valeur par le Conseil de l'Europe (2018).

De par mon expérience, la réponse positive et favorable des étudiants concernant l'évaluation du projet de lecture est remarquable. Pendant la séance finale dédiée à l'évaluation du cours en groupe3, ils se sont mis d 'accord pour exprimer que ce type de strátegie pédagogique était très complète, vu qu'elle mettait en relation toutes les compétences à acquérir, qu' ils avaient fait leur propre bilan de connaissances déjà acquises et à perfectionner, puis qu'ils avaient aimé l'invitation à la pensée critique concernant les thématiques d'actualité des sociétés hispanophones et francophones. Qui plus est, ils ont souligné qu'ils s'étaient rendus compte que leur difficulté majeure avait été le temps limité à cause de l'excès des cours à l'Université et du travail. En outre, ils ont affirmé qu'ils avaient élargi non seulement leurs connaissances de la langue mais encore leurs perspectives culturelles, grâce à la découverte de la richesse des univers littéraires français et encore plus francophones.

En définitive, ces réfléxions m'ont fait penser à la pertinence de continuer à concevoir d'autres projets de lecture à l'avenir, mais cette fois-ci j'ajouterais bien une stratégie, à savoir, la classe inversée, ceci afin de gérer mieux le temps des séances étant donné le temps limité des étudiants du supérieur en Colombie, qui partagent leur temps entre leur vie laborale et universitaire, ayant comme priorité leurs revenus de survie. En classe inversée, il serait indispensable que les vidéos, les fiches didactiques ou les textes soient courts et simples, car ceux-ci sont les outils que les apprenants regarderont en autonomie chez eux, le plus convenable sera donc de commencer la classe inversée à partir de leurs pre-compréhensions, en revenant sur leurs doutes et leurs questions, de façon à ce que la séance soit centrée sur l'application et production à partir des connaissances acquises, en vue de la tâche et du projet en cours.

3. En guise de conclusion: lire comme un voyage polyphonique, interculturel, plurilingue et pluriculturel

Au terme de cette réflexion on pense qu'il serait approprié de faire un bilan sur les atteintes, les écueils, les défis et les perspectives ouvertes par la mise en place du projet de lecture dans la classe de FLE. Tout d'abord, à propos des atteintes, il est saillant que cette stratégie ait suscité la découverte des narrations, des récits, des articles, des faits divers, etc., de la part des apprenants, ce qui les a incités à créer des dialogues possibles avec les textes et à les mettre en relation avec d'autres textes qu'ils avaient déjà lus. C'est ainsi que beaucoup d'apprenants ont identifié l'intertextualité et ils ont déployé la pluralité (Barthes, 2002), des points de vue et des horizons d'interprétation, ce qui s'est exprimé dans leurs productions écrites et dans leurs exposés oraux.

En plus, une autre atteinte a été mise en évidence: il s'agit de la polyphonie du texte, celle que les apprenants ont reconnue très bien quand ils ont pris position pour un argument ou pour un énonciateur en rejetant d'autres au moment de la table ronde et encore plus dans le débat. Depuis Bakhtine (1970), la polyphonie est une caractéristique des textes littéraires: elle «concerne les rapports multiples qu'entretiennent auteur, personnages, voix anonymes (le "on -dit"), différents niveaux stylistiques, etc.: on parlera de "polyphonie" s'il s'établit dans le texte un jeu entre plusieurs voix» (Charaudeau et Maingueneau, 2002, p. 448). Cette stratégie d'analyse littéraire peut enrichir la classe de FLE: d'une part, elle favorise la reconnaissance des voix du texte, ce qui aide beaucoup à sa compréhension écrite. Par ailleurs, elle aide à son exploitation phonologique, si ces extraits à plusieurs voix sont lus à voix haute par plusieurs apprenants. Ainsi, la lecture à voix haute m'a permis de mettre en scène la polyphonie pendant le déroulement de la classe, ce qui est très bien accueilli par les apprenants vu qu'ils s'aperçoivent tout de suite du dynamisme du texte et, ainsi, de leurs possibilités d'interprétation.

Cela dit, aujourd'hui la polyphonie est considérée comme un atout de tous les discours, vu que: «l'auteur peut faire parler plusieurs voix à travers de son texte» (Charaudeau et Maingueneau, 2002, p. 444). De fait, les textes argumentatifs comme ceux de la presse incluent aussi une polyphonie textuelle, puisqu'ils peuvent rassembler plusieurs énonciateurs et plusieurs points de vue que le lecteur peut identifier grâce aux stratégies discursives. Cela prépare aussi les apprenants pour les productions écrites très avancées comme l'essai argumentatif, la lettre du lecteur ou le compte-rendu critique. À ce propos, je voudrais témoigner de l'intérêt qui ont déclaré quelques étudiants, vu qu'ils ont lié leurs formations universitaires aux tâches du cours de français tout en élargissant leurs processus d'apprentissage.

Enfin, un autre accomplissement important a été la reconnaissance de l'altérité grâce à un projet de lecture de petits extraits de littérature francophone, puisque celle-ci nous a confronté aux pensées des gens d'autrefois, aux récits d'autres peuples, aux histoires d'autres cultures, entre autres. C'est pourquoi la relation avec la lecture comprend aussi un contact avec l'altérité, comme le dit Marx: «Nous croyons lire les textes, mais sommes non moins lus par eux, jugés, éprouvés, secoués, révulsés parfois, soumis que nous sommes à leur rayonnement stellaire.» (Marx, 2020, paragraphe 56). À cet égard, revenant sur mon journal de bord, je voudrais de plus souligner que pendant l'évaluation du projet de lecture, l'un des étudiants a clairement affirmé que la lecture des extraits de récits francophones l'avait incité à mettre en question les stéréotypes en prenant conscience des luttes d'autres peuples et d'autres cultures, ce qui avait également augmenté sa propre expérience culturelle du monde. D'où la valeur de textes littéraires francophones en tant qu'outils pour sensibiliser les apprenants à l'acquisition de la compétence interculturelle, plurilingue et pluriculturelle, quand les apprenants parviennent à identifier les limites de leurs répresentations culturelles et encore mieux quand ils accueillent les nouvelles perspectives ouvertes par la lecture, car cette ouverture de la pensée opérée par la rélation à l'altérité montre bien que la lecture peut déclencher un dialogue entre cultures et langues différentes en modifiant l'horizon interprétatif et éthique du lecteur ou de la lectrice.

En ce qui concerne les écueils, le premier a été le besoin de développer ou d'améliorer la compétence lectoriale des apprenants, qui arrivent au cours avec des niveux de lecture très héterogènes, à partir de textes variés, de sources diverses et d'unités textuelles complètes et bien contextualisées. D'où l'importance des enquêtes d'intérêt au début du projet et de fournir une liste de textes diverses aux apprenants. En outre, il faut créer des outils pour l'analyse des typologies textuelles choisies pour qu'ils puissent bien s'orienter à travers de textes variés et réussir en même temps la competence générique comme l'a bien souligné Riquois (2009).

Le deuxième écueil fait référence aux difficultés d'expression écrite de quelques étudiants, c'est pourquoi il est essentiel de dédier des séances aux ateliers d'écriture et de créer des fiches pédagogiques en leur expliquant le processus d'écriture selon la typologie du texte à produire. D'ailleurs, dès mon expérience, je trouve que les ateliers de correction collective sont des pratiques certainement efficaces, car ils permettent aux étudiants de découvrir leurs erreurs en découvrant les erreurs sur les textes des autres, tel que je l'ai expliqué auparavant. Ceci joue le rôle d'un exercice métacognitif important, de surcroît il produit la resignitication même de l'erreur: elle n'est plus considerée comme une faute, par contre, elle est perçue comme une incompréhension à résoudre. À ce moment-là l'intervention de l'enseignant est primordiale pour les inciter à mettre en valeur leurs propres erreurs au lieu de les refuser.

Pour finir, le troisième écueil est le vocabulaire limité des apprenants, ce qui peut être surmonté à l'aide du texte lui-même, c'est-à-dire, à travers l'analyse de la fonction du mot dans le cadre de la phrase ou du paragraphe où il soit apparu. Par ailleurs, il est essentiel de multiplier les significa tions possibles des mots dans les contextes les plus diverses, en ce sens Giasson dit:

Si le lecteur rencontre ce même mot dans plusieurs contextes, il arrivera à se construire un portrait plus complexe de la signification de ce mot. Il est donc important que les élèves lisent des textes variés et en quantité suffisante pour pouvoir rencontrer les mots nouveaux dans des contextes nombreux et différents. (Giasson, 1994, p. 37)

Il est possible aussi de renforcer le vocabulaire des apprenants à partir du texte lu en cherchant d'autres mots liés à celui qui vient d'être découvert. De plus, selon Giasson: «les formes d'activités les plus largement recommandées sont les constellations, les matrices sémantiques, les schémas de définition et la technique des "phrases possibles"» (Giasson, 1994, p. 38). On pourrait aussi ajouter d'autres activités telles que des remue-méninges, des cartes mentales ou des cartes conceptuelles, celles-ci aident encore plus à améliorer la compréhension du texte, des termes et des arguments y trouvés principalement dans les textes explicatifs ou argumentatifs. De même, la motivation de l'enseignant est à nouveau précieuse, quand il encourage les apprenants à formuler des hypothèses, à s'entraider entre pairs grâce à leur compréhension individuelle du même passage, à argumenter leurs choix ou quand il les invite à s'approprier du nouveau vocabulaire appris dans leurs propres productions écrites.

Quant aux défis, il est nécessaire de continuer à encourager les apprenants à lire des textes authentiques dans le but d'améliorer leur compétence lectoriale et de leur motiver à une lecture active et critique, ce qui est possible en vue de l'intérêt des étudiants du supérieur pour apprendre la langue et réussir les examens internationaux, continuer leurs études ou même travailler dans des pays francophones. D'ailleurs, il est essentiel de contribuer à la didactique de la lecture et, selon l'affirmation de Riquois, aux «didactiques des littératures» (2009, p. 503), étant donné la pluralité des genres littéraires encore à explorer, en réfléchissant sur noveaux projets de lecture à concevoir mais, sourtout, en créant des outils didactiques pour assurer leur bon déroulement.

Par ailleurs, considérant que le processus de lecture comprend un exercice d'interprétation complexe où l'apprenant doit formuler et reformuler ses compréhensions et, en même temps, se trouver au milieu de perspectives de pensée ou de modes de vie culturels hétérogènes, ainsi que faire des médiations et y prendre position, les apprenants parviennent donc, avec cela, à acquérir une compétence plurilingue et pluriculturelle, à savoir, un «répertoire linguistique dynamique et évolutif» (Conseil de l'Europe, 2018, p. 28), dont ils disposeront pour élargir leurs horizons de savoir et d'action en tant qu'acteurs sociaux et citoyens dans un monde à la fois plurilingue et pluriculturel.

C'est pour cela que le projet de lecture peut aussi agir sur la compétence interculturelle des apprenants quand ils nouent un dialogue entre le regard culturel de l'auteur et leurs propres regards, ce qui a été mis en exergue pendant l'étape d'évaluation du projet de lecture de courts extraits de récits de la littérature francophone. Lorsque l'une des participantes a raconté que grâce à l'exercice de lecture proposé, elle avait découvert le rôle des femmes dans une culture lointaine et les conflits que ce personnage avait expérimentés après son départ pour un pays étranger. Autrement dit, la situation fictive du personnage l'a amenée à confronter ses propres valeurs culturelles et à penser aux femmes de sa culture. D'où la pertinence des mots de Cuq et Gruca: «tous s'accordent à considérer le texte littéraire comme un véritable laboratoire de langue et comme un espace privilégié où se déploie l'interculturalité» (Cuq et Gruca, 2005, p. 413).

Quant aux perspectives ouvertes, comme enseignante je souhaite vivement continuer les projets de lecture dans ma classe, toutefois, il vaut mieux mettre au centre la littérature francophone, vu que d'après Riquois: «La littérature francophone est timidement représentée, mais sa présence laisse à penser qu'elle sera désormais incontournable» (2009, p. 239). J'ajouterais qu'elle est pertinente pour mettre en relation simultanément la compétence interculturelle, plurilingue et pluriculturelle, car chaque récit francophone peut dessiner une cartographie de lieux, d'histoires et, enfin, de regards culturels qui montrent les tensions, les conflits, les défis de même que les opportunités de déconstruire des stéréotypes en séduisant beaucoup aux apprenants, tel que je l'ai déjà illustré.

En somme, le projet de lecture dans la classe de FLE aidera les apprenants à développer leurs compétence communicative, interculturelle, plurilingue et pluriculturelle en leur fournissant des points de vue et des horizons plus élargis et plus variés que les leurs; c'est pourquoi la lecture dans le processus d'enseignement-apprentissage peut être un vrai voyage polyphonique, interculturel, plurilingue et pluriculturel.

Références

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Cet article fait partie de ma réflexion basée sur mon expérience en tant qu' enseignante de FLE dans l'École des langues de l'Université d'Antioquia.
Rapport bassé sur mon journal de bord.
Villada-Castro, C. (2023). Le projet de lecture dans la classe de FLE: une approche interdiscursive. Folios, (58), 155-170. https://doi.org/10.17227/folios.58-15928